Gourou, sorcier, génie, formateur hors-pair, tacticien exceptionnel, Niksa Bavcevic a laissé une empreinte indélébile dans l’histoire de Pepinster. Le coach croate ouvre son cœur pour Liège & Basketball. Entretien fleuve avec une légende vivante.
Niksa, que représentent pour toi tes années passées à Pepinster ?
Mes presque cinq années à Pepinster ne peuvent être oubliées, ni par moi, ni par ma famille. Pour le mariage de ma fille, il y a d’ailleurs cinq personnes de Pepinster qui sont venues jusqu’à Split. Cela prouve à quel point nous sommes connectés avec le matricule 46. En français existe l’expression « rapport qualité/prix » qui colle parfaitement à ce que nous avons réussi avec le club pepin sur une courte période, fonctionnant avec un petit budget et formant nos propres joueurs pour entrer rapidement en compétition avec des clubs plus riches. Je n’oublierai jamais ce presque lustre à Pepinster et la beauté d’avoir créé quelque chose de différent et d’unique… jusqu’à ce que l’avidité détruise tout. L’année passée, j’ai visité le Hall du Paire et cela m’a brisé le cœur de voir une salle vide et de savoir qu’il n’y a plus d’équipe qui foule ce parquet, qu’il n’y a plus les soirées du samedi qui étaient pourtant « the place to be » auparavant. Je me rappelle qu’après notre finale contre Charleroi, la cellule de management m’avait affirmé que nous avions vendu plus de cinq mille tickets d’entrée. Aujourd’hui encore, cela demeure incroyable à mes yeux. Je me souviens de l’alchimie entre une petite ville et une région et, désormais, cela semble foutu. J’ai suivi avec une immense douleur la descente du club qui s’est petit à petit enfoncé jusqu’à finalement disparaître. J’ai entendu qu’actuellement certains efforts sont déployés pour retrouver le club et je serais extrêmement content si cela arrivait pour du vrai!
Quels sont les joueurs et les membres de Pepinster qui ont eu le plus grand impact sur toi?
Bien que je pense qu’il ait adopté une mauvaise position au moment de mon départ, Monsieur Jean-Pierre Darding était un homme qui avait reconnu mon programme et mes idées. Travailler avec lui fut un réel plaisir et il m’a énormément aidé. C’était un réel fanatique de basket, sacrifiant son temps et son argent pour le club. En ce qui concerne les joueurs, il serait injuste de n’en nommer qu’un car nous en avons formé cinq joueurs de l’équipe nationale belge et beaucoup d’étrangers ont eu une carrière significative après leurs passages à Wegnez.
Quels sont tes meilleurs souvenirs de tes années à Pepinster?
Les meilleurs moments furent sans aucun doute la finale contre Charleroi, gagner la Super Coupe et disputer les matchs de Coupe d’Europe contre le Lietuvas Riga et l’Hapoël Jérusalem. Un autre moment mémorable fut lorsque j’ai été nommé coach de l’année et que cela se passait à Ostende. Nous ne savions pas que le club avait organisé, pour la fin de saison, un match entre « Bleus » et « Blancs ». Sur le retour de la côte, j’ai reçu un appel du club me demandant de venir boire un verre à la salle. Je suis arrivé à Pepinster une heure et demie ou deux heures après la fin du match d’exhibition. Les lumières étaient éteintes et, lorsque je suis rentré, elles se sont rallumées et j’ai vu le Hall du Paire plein à craquer. Une foule de supporters, des joueurs et des membres du management m’avaient attendu tout ce temps pour me féliciter… J’ai même eu droit à des « standing ovations »! Evidemment, j’avais les larmes aux yeux et je me rappellerai ces moments jusqu’à mon dernier souffle. C’était la récompense de tous mes efforts et de tout mon travail avec mon Pepinster bien-aimé.
Quels furent les plus grands accomplissements réalisés avec tes équipes de Pepinster?
Outre ceux que j’ai évoqués plus tôt, j’ajouterai aussi la transformation d’un petit club en une structure bien organisée qui jouait l’Europe. D’ailleurs, des personnes de la FIBA m’avaient affirmé qu’elles n’avaient jamais vu un club issu d’une si petite ville en compétition avec des équipes telles que Bologne, la Joventut Badalona, Riga dont les budgets étaient quatre ou cinq fois plus importants que le nôtre. Nous avons également formé le Centre de formation Pierre Rasquin qui, en ce temps là, était le meilleur qui soit en Belgique.
De quoi es-tu le plus fier concernant ton passage à Pepinster?
Ce dont je suis certainement le plus fier, c’est que notre salle était très souvent sold-out. Cela signifie que les spectateurs ont reconnu quelque chose d’authentique et de fructueux. Mon premier match fut contre Paris et il devait y avoir six cents spectateurs… Quand j’ai inclus de jeunes joueurs belges dans l’équipe la saison suivante, le Hall du Paire affichait déjà complet et, au fil des saisons, nous devions ajouter des sièges supplémentaires. Nous avions le meilleur public du pays, et de loin! Les supporters nous suivaient partout à travers la Belgique, cela créait une ambiance fantastique et poussait les joueurs dans leurs retranchements et les encourageait à dépasser leurs limites. Cela me fait penser à un match à Liège auquel mille Pepins sont venus déguisés en paysans après avoir été qualifiés ainsi dans un article de journal. Nous étions vraiment « ensemble », et je suis fier d’avoir été l’un des créateurs de notre logo: un coq avec un jersey 46, le numéro de notre matricule. Un autre exemple parlant eut lieu la saison dernière. Je suis venu à Charleroi et mon premier match officiel avec le Spirou avait lieu à Limbourg. Après le match, quelqu’un est venu me demander de le rejoindre au bar. Une fois là-bas, j’ai trouvé quatre supporters de Pepinster qui avaient fait la route pour boire une bière et avoir une photo avec moi. Ces gars avaient à peine une trentaine d’années, ce qui signifie qu’ils devaient avoir seize ou dix-sept ans lors de mon passage à Pepinster. Ce fut une autre preuve que j’y ai fait du bon boulot et laissé une trace positive et de bons souvenirs.
Tu évoquais justement ton passage à Charleroi la saison passée pour y diriger le Spirou. Que penses-tu de l’évolution du basketball en Belgique?
Je crois que le basketball de mon époque, avec quatre étrangers, était meilleur que l’actuel. Les salles étaient plus remplies partout et l’intérêt pour notre sport était plus grand. Il faut toutefois reconnaitre que les clubs étaient aussi plus stables financièrement. Depuis les années passées à Pepinster, beaucoup de clubs ont disparu de l’élite nationale: Gand, Vilvorde, Wevelgem, Ypres et, malheureusement, le nid du basketball belge, mon Pepinster.
Tu as coaché plusieurs saisons en Suisse où tu es actuellement à la tête de Vevey. Comment se développe le basket en Suisse et quelles sont les différences entre celui-ci et le basket belge?
Le basket belge est d’un niveau supérieur au suisse sur tous les plans. Je travaille dans le club de Vevey, un club qui possède une grande histoir, mais qui, l’année passée, a frôlé la banqueroute. Nous avons alors essayé, tout comme nous l’avions fait avec Pepinster et Monthey – un autre club suisse avec lequel j’ai été champion il y a trois ans -, de nous relever par la formation de jeunes joueurs locaux. En parlant de titre, c’est mon seul et unique regret concernant Pepinster que j’ai dû quitter à cause de l’avidité de certains: malgré les départs de nombreux joueurs – Jorssen, Sergeant, Massot, Faison, Muya, etc -, nous avions une équipe capable de remporter le titre.
Qu’apprécies-tu tellement dans le basketball et dans le coaching?
Je suis accro au basket. J’ai quitté ma profession pour devenir coach. Il s’agit d’un job très difficile auquel tu ne survis pas sans le soutien de ta famille – je remercie d’ailleurs très fort mes proches pour leur soutien indéfectible – et sans une passion toujours plus forte malgré les difficultés. Ce que j’aime par dessus tout c’est de former et de façonner des joueurs. Quand tu parviens à changer complètement et positivement la vie de jeune gars, cela te procure une merveilleuse satisfaction, même si certains d’entre-eux ont la mémoire courte. Je reste capable de relever des challenges et je demeurerai un inconditionnel de ce sport jusqu’à mon dernier souffle.