Les Carnets du basketteur, saison 2! En près de quarante ans de carrière, Michel Christiane a accumulé une kyrielle de souvenirs et d’anecdotes. De Fond-de-Forêt à Barcelone. Exceptionnellement, cette fois, notre chroniqueur préféré a décidé de rebondir sur l’actu qui secoue le monde du football belge.
Au moment où j’entame la rédaction de cette chronique – au départ consacrée à une série de mémorables déplacements basketballistiques – éclate la révélation de cette vaste enquête lancée dans le milieu du foot. L’actu primant en tout et ayant fréquenté également la sphère du ballon rond (pléonasme) à tous les étages, voici quelques exemples significatifs et véridiques qui en disent long sur les pratiques en cours au sein du sport-roi en Belgique…
D’abord au plus haut niveau : fin des années 90, je me vois confier par la DH la couverture du Standard et d’autres clubs des environs évoluant en D1. Quelques jours après cette désignation, coup de fil d’un agent établi à Monaco me demandant de lui signaler, à l’occasion, le nom de jeunes joueurs prometteurs et « qu’il ne m’oublierait pas », selon des termes. Plus réel encore : un président wallon tente de fourguer un de ses éléments africains dans une formation néerlandophone en vue. Il me suggère d’écrire un papier vantant l’immense potentiel de son protégé. Il me sonne à midi mais, le joueur en question ayant signé une formidable prestation la veille, j’ai rédigé un article le concernant et l’ai expédié dans la matinée. La tractation se réalise et, quelques jours plus tard, je découvre, dans ma boite aux lettres, une enveloppe aussi brune qu’anonyme contenant une somme assez rondelette. Faut-il préciser que j’ai une petite idée du « généreux donateur » ?
On redescend en D3 et en Promotion de l’époque. On est à la fin du mercato hivernal. Deux clubs principautaires désirent s’attacher les services du même joueur louant ses services à une formation germanophone. C’est d’ailleurs l’unique fois que, le lendemain matin, La Meuse Verviers a annoncé l’arrivée de ce véritable mercenaire dans le club A et que La Meuse Liège l’a vu revêtir la vareuse du club B. Peu après, j’ai explication de la bouche de l’homme fort du club A : « On l’a rencontré à 19 h et il nous a donné son accord verbal, mais qu’il devait d’abord mettre son épouse au courant. En réalité, il s’est empressé d’aller voir les dirigeants du club B tout en les mettant au courant de notre proposition. Et il s’est engagé là-bas. J’ignore combien il touche sur les hauteurs de Liège, mais je peux te confier que, chez nous, il aurait perçu 50.000 francs (1250 euros) par mois. » En black, bien évidemment.
Et on aboutit en Provinciales. Plusieurs parents m’ont averti du discours abject tenu par un pseudo « formateur » à l’issue d’un stage pascal se déroulant dans les Fagnes. Au moment de les quitter, il réunit ces jeunes (de 14 à 17 ans, donc en pleine adolescence) et leur tient en substance ces propos : « Poursuivez vos études, mais n’abandonnez surtout pas le football. Je prends mon exemple : je n’ai aucun diplôme et je suis au chômage. Ce qui me permet d’effectuer, pendant la semaine, des petits travaux et d’entraîner des formations d’âge. Le vendredi soir, j’évolue dans une bonne équipe de mini-foot limbourgeoise et, le week-end, dans une autre de P1 gazon à la frontière allemande. Au total, je parie que je gagne plus que n’importe lequel de vos papas. »
Aux dernières nouvelles, cet odieux personnage sévirait toujours.
Michel CHRISTIANE