Les Carnets du basketteur saison 3! Tout au long de cette troisième année, notre sémillant chroniqueur vous proposera d’aller à la rencontre de personnages ayant marqué notre basket principautaire. Souvent au travers d’entrevues toujours révélatrices de leur personnalité.
Les temps perturbés que nous connaissons me font penser aux fameux « dimanches sans voitures » que les plus jeunes d’entre vous n’ont pas endurés (ndlr: hormis une fois par an à Bruxelles). On est à l’automne 1973 et les pays de l’Opep sont à l’origine du premier choc pétrolier. Les « Trente Glorieuses » sont bel et bien terminées…
Vu la réduction drastique de la production d’or noir, le gouvernement belge décrète donc ces « dimanches sans voitures » qui s’entendront sur quatre semaines à partir du 18 novembre. Autrement dit, plus personne ne peut circuler en auto ces jours-là. A quelques exceptions (professionnelles) près. Si vous êtes chopés, l’amende s’élève à 3000 francs de l’époque. Soit, 75 euros.
On s’en doute, tous les championnats sont suspendus. Sauf ceux de D1 et D2 de football. Hormis le 1er décembre. Et pour cause, il y a 81 cm de neige au Signal de Botrange et même 34 à Bruxelles. A ce moment, je suis un supporter acharné de l’AS Eupen. Raison pour laquelle, nous organisons un car – à défaut de voitures – pour nous rendre au Kehrweg au départ de Spa. Il faut préciser qu’à ce moment, la (vraie) phalange germanophone (et non l’actuelle) surprend tout son monde et est sacrée « championne d’automne ». Elle draine ainsi 7500 spectateurs lors de la venue de Tongres et est à deux crampons d’une montée au sein de l’élite. A l’occasion de la dernière journée de championnat, un nul lui suffit sur le terrain de Lokeren, son concurrent direct. Au coup de sifflet final, tous les observateurs présents – même néerlandophones – sont unanimes pour reconnaître que les « Noir et Blanc » se sont faits voler comme au coin d’un bois par un arbitre flamingant. « Il s’agissait de Robert Schaut qui habitait à une dizaine de kilomètres du stade », se souvient Raymond Stabel, l’ancien journaliste au Jour Verviers, « A un quart d’heure de la fin, c’était encore 0-1 puis le ref offre un penalty imaginaire aux Anversois. On connait la suite… » Les Waelandiens l’emportent ainsi 2-1 dans les arrêts de jeu et s’ouvrent les portes de la D1 au nez et à la barbe des Eupenois. Etonnant : le descendant de cette saison n’est autre que… La Gantoise.
Si les protégés de Pol Brossel, ce dirigeant d’exception, ont signé un parcours aussi exceptionnel, ils le doivent en grande partie au génial Rainer Gebauer. Lors de l’exercice précédent, il avait pris part avec Cologne à la finale (perdue) de la Coupe d’Allemagne face à Mönchengladbach. L’arrivée dans les cantons de l’Est de cet attaquant lunaire aux allures de faux dilettante en étonnent plus d’un. Son explication aussi : « J’ai toujours adoré la langue française et tout ce qui touche à la francophonie. Venir en Belgique constituait donc pour moi la solution idéale en restant proche de mes racines. » Avec 23 réalisations à son actif, il sera sacré « top buteur » de la D2 et filera, l’année suivant, au Sporting de Charleroi. Il y a peu, les supporters eupenois ont été invités à élire leur « meilleur joueur de tous les temps ». Je vous laisse imaginer qui monta sur la plus haute marche du podium…
Pour conclure, cette anecdote : pendant la trêve hivernale, l’ASE (dont Bruno Trevisan avec qui j’étais à l’école) s’en va disputer, début janvier 74, une rencontre amicale à Sclessin. On est une poignée d’inconditionnels visiteurs noyée dans la masse « rouche ». Et, à la surprise générale, notre Rainer Gebauer (photo, troisième à partir de la gauche) ouvre la marque. Nous bondissons de joie tout en entraînant la réaction tout en poésie des supporters mosans : « Nous, on n’a pas besoin d’un sale Boche pour marquer ! » Précision importante : Eupen alignait alors dix joueurs belges et les « Rouches »… neuf étrangers. Sans commentaire.
Michel CHRISTIANE