Il existe presque autant de styles de basket que de joueurs qui le pratiquent. En club ou sur playground, en chaise roulante ou en 3×3, la balle orange se diversifie pour le bonheur de tous. Liège&Basketball s’est entretenu avec Gilles Matho (Mathonet de son vrai nom) pour évoquer le streetball.
Gilles, qu’est-ce qui t’a amené au streetball?
J’ai joué longtemps en club, dans la région de Verviers, surtout en P3. J’avais un jeu fort orienté sur le dribble, ce qui ne plaisait pas forcément à mes entraineurs, surtout que je testais des mouvements en matchs. Cela avait pour conséquence de me retrouver parfois longtemps sur le banc et cela engendrait de la frustration. Mais j’ai toujours beaucoup joué en dehors des structures classiques. J’ai alors décidé de me lancer dans l’expérience streetball, en faisant fi des critiques que je pouvais entendre.
L’influence des USA s’est avérée prépondérante?
Bien sûr. J’étais un gros fan d’Allen Iverson et de son style. J’ai d’ailleurs rapidement porté une coudière pour l’imiter. Et puis, je me nourrissais des AND1 Mixtape. La base en quelque sorte.
Mais les choses décollent vraiment pour toi en 2014…
Oui, un souvenir inoubliable! J’ai gagné un concours organisé par Nike. Sur base d’une vidéo, j’ai été sélectionné avec cent autres joueurs pour le World Basketball Festival à Barcelone.
Le World Basketball Festival
Raconte nous un peu cette aventure.
Un truc de malade! J’ai vécu une mini-semaine comme un pro, Nike avait mis les petits plats dans les grands. Un séjour tous frais payés au W Hôtel de Barcelone. A la sortie de l’aéroport, une voiture m’attendait, comme dans les films. Dans ma chambre d’hôtel, j’ai trouvé un gros sac rempli de sneakers et vêtements Nike. Il y avait bien pour mille euros d’équipement.
Et au niveau sportif?
Kyrie Irving et Anthony Davis avaient été dépêchés sur place pour l’occasion. Ils devaient effectuer une sélection parmi nous pour un match d’exhibition. J’ai été choisi en seizième position par l’actuel meneur de jeu de Boston. Nous nous sommes entrainés plusieurs jours et nous avons visité l’expo sur la Jordan 29. Tout était réglé comme du papier à musique. J’ai eu l’opportunité de discuter avec Kyrie, c’était dingue.
Et comment fut le match?
Au dernier moment, j’ai dû switcher d’équipe. Irving n’avait pris que des meneurs, du coup ça manquait de taille. Le match s’est bien passé même si je n’ai pas pu réaliser tous les mouvements que j’avais prévu de faire car on m’a demandé de jouer soft. C’était un peu frustrant et me laisse quelques regrets même si cela reste un merveilleux souvenir. Et cela m’a prouvé que j’avais eu raison de suivre ma propre route. Si j’étais resté sur les sentiers battus, je n’aurais jamais eu la chance de vivre cette aventure.
A partir de là, tu décides de te lancer plus intensément dans le streetball…
Oui, j’ai eu droit à quelques articles et on m’a demandé de faire des animations à des stages ou des shows à la mi-temps des matchs. Au départ, je faisais cela gratuitement, trop content de pouvoir partager ma passion. Par la suite, on m’a proposé de petites rémunérations. Ma page Facebook a explosé à ce moment-là, cela a pris un petit peu plus d’ampleur.
Tu es devenu, en quelque sorte, l’ambassadeur du streetball à Liège?
On peut dire cela, même s’il y en a d’autre. A Bruxelles, il y a Antoine Jehanne de A2R. C’est un éducateur de rue, un précurseur. C’est un peu un exemple pour moi, il a suivi son rêve même si pour lui, c’est plus du « cirque » alors que moi je préfère m’illustrer face à un défenseur.
Des animations et des tutoriels
Qu’as-tu mis en place pour développer le streetball et partager ta passion?
J’organise des sessions de 3 x3 ou 4×4 à la plaine de Dison, à Ensival, à Rechain ou Pepinster. J’amène avec moi une caméra et après je fais un montage des meilleures actions. Tout le monde se réjouit de venir voir, même si nous avons connu une petite phase de creux. Mais désormais, la nouvelle génération arrive et cela fait plaisir. A côté de cela, je publie aussi des tutoriels sur ma page Facebook pour montrer des mouvements.
Mais tu fais aussi des démonstrations?
Tout à fait. J’animais régulièrement les mi-temps quand Pepinster était encore en D1. La saison dernière je me suis produit au Basic Fit Brussels et en février j’irai faire un show à Loyers qui reçoit Mons en Coupe de Belgique.
Tu officies également lors de stages pour y réaliser des animations. En quoi cela consiste-t-il?
Je travaille en trois phases. D’abord un apprentissage, par deux ou individuellement avec des drills de dribble et la répétition de mouvements relativement classiques. Les enfants les testent ensuite en 1×2 pour augmenter la difficulté et tenter de perfectionner ce qu’ils ont appris. Ensuite, je leur propose de faire un enchainement devant la caméra afin de laisser libre cours à leur imagination. Et, enfin, ils jouent en 1×1 face à moi. J’adore me faire prendre un petit pont par un gosse car après il a des étoiles plein les yeux.
« Amène ton jeu, pas ton nom »
Gilles, qu’est ce qui te plait tant dans le streetball?
Le slogan du Quai 54 est très juste je trouve: « amène ton jeu, pas ton nom. » En street, les cartes sont redistribuées et tu dois chaque fois faire tes preuves. Cela nécessite un savoureux mélange de différentes qualités mais sans la pression inhérente au basket de club, avec ses impératifs de résultats. J’apprécie également toute la culture urbaine et le fait de se pointer sur le terrain avec son ballon pour y défier ses adversaires. Et puis, il faut être ouvert d’esprit, se renouveler continuellement et ne jamais cesser d’apprendre.
Justement, quelles qualités faut-il pour devenir un bon streetballer?
Comme je le disais, être ouvert d’esprit reste la base. Il faut pouvoir changer ses moves régulièrement car ceux-ci sont vite écoulés. Cela demande de la créativité, de la dextérité et de la rapidité. Il faut aussi être capable de rester fort mentalement car tu peux tomber sur des joueurs très forts qui te mettront une raclée.
L’aspect compétition est donc présent en streetbasket?
Bien sûr, pas mal de tournoi sont organisés, surtout en Flandre car le phénomène est plus répandu là-bas. Il y a par exemple les « 3×3 masters » durant l’été. Celui d’Anvers est très réputé et accueille de grosses équipes. C’est dans ce type de contests que j’ai sympathisé avec Francis Torreborre. Je n’y vais pas pour gagner car on affronte des « perches » mais je me suis fait un petit nom grâce à mes moves. Et puis, même si je perds le match, je gagne quand même d’une certaine manière car je me mets le public dans la poche en faisant le spectacle.
On remarque un réel développement du concept de 3×3 qui sera peut-être même présent aux JO en 2020…
C’est génial, mais les gens confondent streetball et 3×3 de compétition. En 3×3, ce sont souvent d’anciens pros qui terminent leur carrière, c’est un peu du 5×5 miniature. Les gars ne sont pas là pour chipoter mais pour gagner. Maintenant, comme le basket en chaise roulante d’ailleurs, c’est super que le basket s’ouvre à différentes formes et différents styles. C’est nécessaire de pouvoir proposer de multiples approches afin que chacun puisse s’y retrouver.
Pour terminer, Gilles, peux-tu nous citer quelques streetballers qui t’ont marqué?
Déjà Allen Iverson. Même si c’était un fantastique joueur NBA, il reste un dieu vivant et une icône de la culture street. Il y a aussi The Professor et les légendes que sont Hot Sauce et Skip to my lou. En france, il y a également Julien Bonnet qui a fondé Court Cuts.
N.B. : Allez jeter un oeil à sa page facebook (Gilles Matho Streetball), ça vaut le détour.
N.B. : « Amène ton jeu, pas ton nom » est le slogan officiel du Quai 54, un prestigieux tournoi de streetbasket parisien.