Un géant range pour de bon ses sneakers et plonge le basket belge dans une douce nostalgie.
Mais quand d’un passé ancien rien ne subsiste, seules plus frêles, mais plus vivaces, plus immatérielles, plus persistantes, plus fidèles, l’odeur et la saveur restent encore longtemps » (Marcel Proust)
« Longtemps je me suis couché de bonne heure »… J’étais alors au sortir de l’enfance, à l’aube d’une adolescence dans laquelle le basketball prendrait une place significative. Et, lorsque je dérogeais à la sacro-sainte habitude de rejoindre tôt les bras de Morphée, c’était pour aller passer une soirée d’anthologie au hall du Paire.
Anthologie n’est pas un vain mot, au contraire, tant, au début des années deux mille, l’ambiance de la petite salle pépine faisait frissonner de plaisir, à l’unisson, joueurs et supporters. C’est dans cette atmosphère fiévreuse et endiablée, que le BC Pepinster écrivit en lettre d’or son nom dans les livres d’histoire de notre première division nationale. Une légende, entamée bien des années plus tôt, lors de l’accession des Bleu et Blanc en D1 en 1985 et parachevée par la grâce d’une équipe fantastique et d’un entraineur charismatique qui offrirent au club verviétois un historique titre de vice-champion de Belgique.
C’est qu’ils étaient forts et vaillants ces joueurs que mon papa m’emmenait alors admirer un samedi sur deux. Damir Milacic, Marcus Faison, Darius Hall, les frères Massot, Guy Muya, Kris Sergeant, Dimitri Jorssen et tant d’autres que je ne me lassais pas d’encourager à tout rompre, m’époumonant dans d’inlassables chants partisans.
Mais parmi toutes ces vedettes, parmi tous ces talents, il y en avait un qui sortait du lot, tel un astre brillant plus que les autres et réchauffant de ses rayons une salle qui n’attendait que cela pour s’embraser. Celui-là, c’était Axel. Axel Hervelle. Capitaine à vingt ans d’une équipe qui avait fait de ce que l’on appelait encore la Division Un son terrain de jeu et du Hall du Paire un bastion inviolable.
Gracile malgré son double-mètre, combatif, volontaire, et redoutable au rebond et à la finition, on devinait déjà chez lui un mental d’acier qui lui permettra de devenir, par la suite, indubitablement le meilleur basketteur liégeois de l’Histoire et l’un des meilleurs joueurs belges de tous les temps.
Par sa hargne et son envie, par son talent et sa soif de vaincre, Axel Hervelle aura permis au RBC Verviers-Pepinster de se faire sa place au sein de l’élite du basket belge et au jeune adolescent que j’étais alors de vivre des moments inoubliables.
Les années ont passé, on a tous un peu vieilli, mais Axel est resté ce joueur éminemment talentueux et combatif, soucieux du collectif avant toute chose. Il a brillé à Madrid, il a continué d’épater à Bilbao et a participé, avec l’aide de ses coéquipiers et du staff des Lions, à remettre la Belgique sur l’échiquier du basket européen.
Alors, lorsque j’avais eu l’opportunité de l’interviewer pour Liège & Basketball, tout au début de l’aventure, en novembre 2017, de nombreux souvenirs m’étaient remontés en mémoire. Un peu comme une madeleine de Proust. Et si le joueur continuait de m’impressionner, la gentillesse et la disponibilité de l’homme m’avaient encore plus émerveillé.
A l’époque, Axel Hervelle s’apprêtait – sans le savoir encore, sans doute – à disputer sa dernière saison à Bilbao, sa dernière campagne dans un championnat espagnol dont il faisait déjà partie du panthéon. Son retour en Belgique, un pays pour qui il a tant donné en leader infaillible des Belgian Lions, eut lieu au Spirou où, malgré un corps cabossé par une carrière pro entamée à l’âge où d’autres fréquentent encore les bancs de l’école et les cours de récré, l’ancien Madrilène prouvait, une fois encore, son immense leadership et son talent d’exception.
« Il est temps pour moi d’admettre que « l’histoire » de ma vie touche à sa fin ! Merci le basket pour m’avoir donné tant de bons souvenirs, d’amis et d’émotions… Le jeu va me manquer. » C’est par cette annonce à la fois simple et sincère – à l’image de son auteur – que la légende pepine annonçait lundi soir sa retraite. Une nouvelle qui, impossible d’en douter, aura ému bon nombres de passionnés, moi y compris, et synonyme de la fin d’une époque, d’un chapitre qui se referme et d’une immense bouffée – déjà ! – de nostalgie.
Avec la retraite du « Conquistador », c’est une immense page du basket belge qui se tourne, de nombreux souvenirs exceptionnels qui remontent en mémoire et une légère sensation de vide qui s’installe. Et comme l’écrivait Eve Beslile: « On ne peut jamais tourner une page de sa vie sans que s’y accroche une certaine nostalgie. »
Merci pour tout Axel, et bon vent !
Thiebaut Colot