Serge Crèvecoeur, ancien coach du Basic Fit Brussels et assistant-coach des Belgian Lions est, depuis cet été, le nouvel entraineur de Pau-Orthez, en ProA française. Avec nous, il revient sur ses premiers mois à la tête de la formation paloise.
L’armoire à trophées est bien garnie. C’est en effet près de trente titres, dont une Coupe Korac, qui ornent la vitrine du club. C’est que Pau-Orthez, neuf fois champion de France, est un nom qui compte dans l’histoire du basket français. Fondé en 1931 au sein d’un club omnisports existant depuis 1908, celui qui était alors l’Elan Bearnais Orthez -avant la fusion avec Pau en 1989- a considérablement contribué à l’essor du basketball dans l’hexagone et en Europe. Une histoire, un passé et un standing qui se ressent au quotidien. « Ici, tu ressens une forme de pression. Pau, ce n’est pas un club lambda en France » nous confirme Serge Crèvecoeur, le nouveau coach de l’Elan.
« Lorsque tu rentres dans le Palais des Sports, tu ne peux qu’être impressionné tant la salle est splendide, et tu sens une atmosphère particulière. Sincèrement, pour mon premier jour, bien évidemment, j’avais la trouille. Ca ne donne qu’envie de se donner à fond pour réussir. »
Une glorieuse histoire affichée ostensiblement sur les murs de la salle de Pau. « J’appelle ça le couloir des artistes » nous confie l’entraineur bruxellois. « Tu peux y admirer tous les trophées glanés par le club ainsi que des photos des joueurs qui ont marqué l’histoire de l’Elan.
» Et de sacrés joueurs, il y en a eu une palanquée. Que cela soit les Freddy Hufnagel, Antoine Rigaudeau, Laurent Foirest, Frederic Fauthoux, Gheorghe Murhesan et puis, plus tard, Arthur Drozdoz, Boris Diaw et les frères Pietrus, tous ont grandement contribué à la réussite du club béarnais et à renforcer sa réputation à l’étranger. Peu de clubs français peuvent, par exemple, se targuer d’avoir envoyé autant de bons joueurs en NBA.
« Pau est une ville sportive. Elle vient d’ailleurs d’être reconnue ville européenne du sport » explique Serge. « Ici, les gens vivent pour le sport, le rugby et le basket notamment. Ce n’est pas pour rien que nous avons la plus grande affluence de France. Et très sincèrement, quand le Palais des Sports est plein comme un oeuf, avec tous les supporters qui donnent de la voix, ça donne vraiment des frissons. » Et d’ajouter: « Si on m’avait dit, il y a 10 ans, que j’allais me retrouver dans cette situation, je ne l’aurais pas cru. Mais ce n’est que du bonheur! »
Car le parcours personnel de l’assistant-coach des Belgian Lions est intimement lié à celui du Basic Fit Brussels, un club qu’il a emmené de la troisième division à la finale des Play-Offs contre Ostende la saison dernière. Quitter le club bruxellois ne fut donc pas une décision facile. « C’est certain que quitter Bruxelles, un club que j’adore et dans lequel je m’étais tellement investi, n’était pas forcément évident. D’autant plus que je prenais un vrai risque car j’étais dans une situation vraiment confortable » explique-t-il. « Mais ça reste Pau quoi… Et vraiment, l’acclimatation ici se passe très bien. C’est chaque jour un peu mieux et les gens sont foncièrement gentils avec moi. »
« La ProA, c’est une autre dimension! »
Un nouveau défi que le coach de l’Elan Béarnais relève avec plaisir.
« Franchement, le basket français, c’est une autre dimension. Les salles sont plus grandes, plus remplies, les budgets plus importants, la relation avec les médias est différente, les trajets et voyages sont plus conséquents » détaille-t-il. « En Belgique, d’autant plus quand j’étais au Brussels, nous devions faire maximum une heure et demie de route pour aller jouer nos matchs. Ici, c’est différent. Pau est, en plus, le club le plus décentré, les trajets peuvent donc prendre beaucoup de temps. C’est toute une logistique à mettre en place. On bosse d’ailleurs avec le préparateur physique pour optimiser la condition des joueurs suite aux déplacements. Mais c’est génial tous ces nouveaux paramètres à prendre en compte, c’est pour moi un apprentissage permanent. »
D’autant plus que, comme à Bruxelles où il était également Directeur Sportif, Serge Crèvecoeur a tenu à s’impliquer davantage au sein de son nouveau club. » Oui, c’est quelque chose qui me tient à coeur et que j’apprécie. Je rencontre par exemple des partenaires commerciaux pour leur expliquer ce que nous faisons ici. C’est important, je trouve, d’apporter son écot pour trouver des finances pour le club. Et j’aime bien avoir un rôle là-dedans. »
Car la réalité économique reste la même pour tous les clubs, peu importe le championnat. L’argent reste le nerf de la guerre afin de pouvoir constituer une équipe compétitive et assurer la bonne marche de l’entité. « Pau possède le huitième budget sur les dix-huit clubs de ProA. En France, ces données sont publiques » ajoute le Bruxellois. « Mais, nous n’avons que la dix ou douzième masse salariale car les structures du club sont importantes et les déplacements coûteux. »
Une ProA que le technicien découvre avec enthousiasme. « C’est un super championnat. Il y a vraiment de gros joueurs comme Krepelic, Florent Pietrus, AJ Slaughter, Kenny Hayes, Amara Sy, DJ Cooper, Michael Dixon, et tant d’autres. » Dont notamment Boris Diaw, champion NBA qui s’est engagé avec Paris-Levallois. « C’est une autre preuve que le championnat est attractif. C’est hyper stimulant. On touche au haut niveau. Ici, le jeu va plus vite. Les joueurs sont plus athlétiques, notamment sur la pression qu’ils peuvent mettre sur le ballon. Le basket est sans nul doute plus physique qu’en Belgique, mais avec l’arrivée de nouveaux jeunes coaches, je constate qu’au niveau tactique c’est pas mal du tout non plus » ajoute Serge.
Un début de saison en fanfare
Dans un championnat relevé, l’entraineur de Pau a rapidement trouvé ses marques, lui dont l’équipe réalise un excellent début de championnat, pointant à la deuxième place au classement, à égalité avec Monaco, Nanterre et l’Asvel. « Si on m’avait dit, en début de saison, qu’on réaliserait un tel début de championnat, j’aurais signé des deux mains! » s’exclame-t-il. « D’autant plus que je ne connaissais pas la véritable valeur de l’équipe car nous avons connu une préparation compliquée, avec plusieurs joueurs blessés. »
Ce qui n’empêche pas l’Elan de proposer un jeu de qualité. « Notre philosophie, c’est de partager le ballon, que chaque joueur soit responsabilisé et impliqué » détaille Serge. « Nous sommes d’ailleurs premier du championnat en terme de passes décisives. » Une style de jeu performant qui se traduit par cinq victoires en sept rencontres, dont une chez le rival historique, Limoges » Je ne vais pas te raconter de cracks, s’imposer à Beaublanc, dans une telle ambiance, ça fait plaisir. Surtout que le match était très abouti, notamment dans l’exécution défensive » raconte-t-il. « C’est toujours agréable et satisfaisant de voir que le travail paie, que ce qui a été préparé la semaine est appliqué en match. Et que cela s’avère concluant. »
Une entame de championnat résolument positive. « Mais c’est encore trop tôt pour vraiment nous situer. Le club ne m’a pas fixé d’objectifs chiffrés clairs, mais personnellement, j’ai envie que l’on fasse aussi bien que l’an dernier où l’équipe était en quart de finale des Play-Offs » nous dit Serge. « Cependant, je ne change pas vraiment ma manière de fonctionner. J’avance step by step. L’objectif c’est de remporter le prochain match, lundi, contre Dijon. » Un objectif raisonnable pour le sympathique entraineur bruxellois, en passe de réussir son nouveau challenge en terre paloise.
En bonus, le documentaire sur l’Elan Pau-Orthez, dans le cadre des vingt ans de la LNB: ici.