C’est après un long moment de réflexion – ponctué par de nombreuses hésitations, au vu des circonstances et des priorités auxquelles je dois faire actuellement face – que je me suis décidé à écrire cette carte blanche. L’amour du basket m’a en effet convaincu de la nécessité d’écrire ces quelques lignes, lignes qui me permettent, par la même occasion, d’évoquer mon dernier match de la saison mais aussi certainement de ma carrière.
Rétropédalage :
11 mars 2020 : match d’alignement en semaine entre les Pistols de la Vaillante et Visé. À la mi-temps, nous apprenons que le CP suspend le championnat jusqu’au 3 avril. J’interpelle donc les arbitres sur la pertinence de continuer le match qui est en cours, alors que le CP vient tout juste de suspendre le championnat, estimant la poursuite des activités trop dangereuse.
« Show must go on », nous devons finir le match. Tout à coup, une minute avant la fin de ce dernier, mon genou gauche craque sur une action. Je reconnais cette douleur pour l’avoir déjà vécue par le passé. Mon constat est sans équivoque : ligaments croisés. Ma visite chez le médecin, le lendemain, confirmera mon intuition : il s’agit bien de ligaments croisés, déchirés. Le diagnostic et les longues semaines d’incapacité que ma blessure engendre sont évidemment difficiles à encaisser pour un indépendant comme moi, sans compter les nombreux mois de revalidation à essayer d’intégrer dans mon agenda d’Avocat-Bourgmestre déjà (sur)chargé.
Je ne regrette néanmoins, en aucun cas, d’avoir participé à ce match. Avec les Pistols, mon équipe, ma famille, nous comptabilisons un total de 21 victoires sur 21 matchs (ou 22, je ne sais plus, les classements ont disparu). Nous vivons donc une saison d’exception, à nos âges pourtant avancés. Bref, la blessure en valait la peine.
25 mars 2020 : le CP annonce qu’il n’y aura ni champion, ni montant, ni descendant. La douche est froide. Glaciale. Je me suis donc déchiré les ligaments croisés pour… rien. Tant de sacrifices réalisés tout au long de l’année réduits à néant à travers une seule phrase.
La déception sportive est grande. Il est aisément concevable d’entendre mon incompréhension face à cette décision. Je connais néanmoins l’exercice du pouvoir – art difficile où la critique est, je le sais, aisée –. Le CP indique d’ailleurs, dans son communiqué, qu’il serait déplacé de polémiquer au vu de la gravité de la situation et des nombreux défunts de par le monde.
À la première lecture de ce communiqué, je ne pouvais que donner raison au CP. Après réflexion, je trouve leurs affirmations totalement déplacées : la liberté d’expression reste – et doit rester – l’une de nos plus belles valeurs. Proscrire cette même liberté en se retranchant derrière un vecteur de peur (afin d’anéantir toute critique) s’apparente, étrangement, aux procédés exploités par les gouvernements totalitaires. C’est pourquoi, je pense, au contraire, qu’il est bénéfique, voire sain, d’oser encore affirmer son esprit critique, et ce, même en cette période de crise ! Cela nous déconnecte d’un quotidien qui n’est, certes, pas facile. Mais ne sommes-nous pas là face à des considérations qui rappellent, justement, l’essence même du sport ? Avoir une passion et la pratiquer permet de tout oublier, non ? N’est-ce pas ce qu’il se passe quand nous entrons sur le terrain ?
Nous pouvons donc polémiquer, alors, polémiquons !
J’ai lu beaucoup de commentaires indiquant qu’il ne pouvait y avoir de bonne ou mauvaise décision. Je ne peux pas être d’accord. L’exercice du pouvoir veut que nous fassions tout pour prendre la bonne décision. Par « bonne décision », n’entendons pas, à tort, « contentement de l’ensemble des personnes à qui cette même décision s’applique ». Alors réfléchissons, ensemble, à propos de la bonne décision à prendre.
Le CP a-t-il pris lui-même la bonne décision ? À titre personnel, en laissant de côté les conclusions tirées par les membres de celui-ci, j’estime que la méthodologie utilisée ne peut qu’obligatoirement entraîner qu’une mauvaise décision. En effet, en temps de crise, deux recettes sont obligatoires afin de prendre de bonnes décisions : la concertation et l’harmonisation de décisions.
Le CP avait une solution de concertation facile et incontestable sur le plan démocratique : l’assemblée générale des clubs. Les clubs auraient ainsi pu décider eux-mêmes de leur avenir. Qui de mieux placé, en effet, pour déterminer ce qui est de leur intérêt, ou non ? Il est d’ailleurs intéressant de se questionner sur la base juridique sur laquelle le CP fonde sa décision d’annulation du championnat. Effectivement, ce cas n’est évidemment ni repris par les statuts de l’AWBB, ni par les différents ROI. À cet égard, sauf erreur de ma part et, sauf non-reconnaissance d’autres ROI, l’article se rapprochant le plus de la situation actuelle est l’article 65 du ROI « compétition », lequel indique que « pour que des modifications à la formule des championnats puissent être admises, il faut non seulement qu’elles obtiennent les 2/3 des voix présentes à l’assemblée, mais aussi que les 2/3 des délégués ou leur mandataire soient présents au moment du vote ». Il y a donc là recours à l’assemblée générale. Par analogie, il aurait donc été cohérent de procéder de la sorte pour le CP.
L’harmonisation des décisions devait également être envisagée. Le sentiment principautaire du CP est-il tellement fort au point qu’il s’imagine être dans une tour d’ivoire ? N’aurait-il pas été plus cohérent que chaque niveau de pouvoir prenne les mêmes décisions ? Un basketteur flamand, namurois, de niveau provincial, régional ou national reste avant tout un amoureux de la balle orange. Rien ne nous différencie – si ce n’est, peut-être, quelques kilos, un rien de talent ou encore un accent – ! Pourquoi avoir, dès lors, pris des décisions à double vitesse et ce, au sein d’une même fédération (AWBB) ? Le CP a-t-il pris la peine de se concerter avec l’AWBB et les autres provinces ? Ces décisions différentes ne peuvent entraîner qu’une frustration certaine, ainsi qu’une incompréhension due à un traitement différencié dans une même fédération. Je n’ose imaginer la réaction de la population si les provinces appliquaient des règles différentes dans leur lutte contre le coronavirus… Oups, je retire mon écrit, je tombe dans les travers mêmes du CP.
Finalement, face à ce constat d’échec dans la méthodologie de la prise de décision, il ne reste plus que deux solutions : soit, un club a le courage de saisir les instances judiciaires en référé qui pourront réformer la décision du CP, soit le CP convoque une assemblée générale afin que les clubs puissent se prononcer, peu importe la décision qui en résultera, confirmation ou non de la décision du CP.
Nul n’est mon intention de remettre en cause l’investissement des membres du CP. Ceux-ci nous permettent de pratiquer notre passion, ils sont à des places qui ne sont enviées de personne et nous devons être reconnaissant du travail qu’ils réalisent bénévolement tout au long de l’année. Néanmoins, nous pouvons avoir un esprit critique et il me tenait à cœur de partager une méthodologie de travail qui me semble opportune.
L’avenir nous dira si le CP est composé de grands hommes ou de grands chefs.
Avocat Bourgmestre Mais avant tout, amoureux de la balle orange