Dans les différentes séries jeunes, certains matchs se soldent parfois par des écarts terriblement conséquents. Faut-il tenter de limiter ces scores fleuves et quelles attitudes adopter quand le niveau entre deux adversaires est trop éloigné ? Des questions auxquelles répondent plusieurs coachs de la région.
Scores fleuves, écart colossaux, flagrantes différences de niveau : chaque week-end, des rencontres de jeunes accouchent de matchs à sens unique accompagnés par une foule de commentaires. Comment réagir face à un adversaire bien plus faible ? Faut-il limiter la casse dans de telles rencontres ? chacun se fait sa propre opinion et défend sa vision du basket avec des arguments audibles.
« En jeunes, il faut rester dans ses principes mais il ne faut pas humilier l’adversaire », assure Quentin Pincemail, confronté à ce cas de figure avec les U14 de son gamin. « Il faut toujours garder à l’esprit que le résultat – victoire ou défaite – n’est ni important, ni un bon baromètre », embraie Jérôme Jacquemin, formateur hors pair, au Sport-Etude-Basket de Liège Atlas, notamment. « Ecraser une équipe adverse peut avoir des effets dramatiques sur l’estime de soi, le risque d’abandon… Notre mission comprend la transmission de valeurs dont font partie le fair-play, le respect de l’autre, la solidarité. »
« La différence de niveau entre équipes de jeunes ne date pas d’aujourd’hui… Je me souviens, par exemple, que lorsque j’étais joueur en benjamins et pupilles, j’ai ramassé des caramels de 120 ou 130 points. Et par après, j’ai aussi gagné 184-14. J’ai donc vécu les deux côtés », rappelle Jean-Roch Bonhomme. « Parfois, je lis des commentaires qui affirment que cela pourrait traumatiser des enfants de ramasser chaque semaine. Je suis la preuve que non (rires). Il faut surtout se poser la question de savoir ce qui est travaillé à l’entrainement et mis en place par le formateur. »
« En jeunes, il n’y a aucun sens à écraser l’adversaire, personne n’apprend rien », souligne Didier Longueville. « Il ne faut pas oublier qu’un adversaire a une mémoire (ndlr : une donnée reprise dans les « quatorze points de Wilson » utilisés en géopolitique). Je me rappelle très bien qu’au début de ma carrière, lorsque j’avais Oupeye, Saint-Louis/Liège, l’équipe de Jonniaux, nous avait écrasés. C’était horrible, nous avions pris 140 points ! Trois années plus tard, nous étions revenus au niveau de cette équipe et l’avions battue. Mes joueurs avaient eu un peu moins de compassion à ce moment-là. »
Tous les coaches s’accordent sur un point : le contexte est primordial. « En mini basket ou en début de maxi basket voire même dans les séries provinciales jeunes, les différences de niveau sont parfois considérables entre deux équipes et les scores fleuves surviennent parfois même déjà à la fin du premier quart-temps. Dans ces cas-là, le coach doit s’adapter pour que le match soit profitable aux deux équipes. Une équipe qui domine et intercepte la balle avant le milieu du terrain et marque des lay-ups ne développe pas beaucoup de compétences. De même, une équipe qui se contente de tenter de passer simplement le milieu du terrain ne progresse pas », analyse Nicolas Franck. « Il est toujours intéressant de se renseigner en amont sur la série pour faire des changements si besoin », ajoute Jérôme Jacquemin. « Si toutefois la situation se présente, il est fondamental de trouver un moyen de limiter la casse. Tout l’intérêt consiste à permettre à l’équipe dominante de tout de même travailler en limitant les dégâts chez l’équipe dominée. Le but est de faire progresser les joueurs sans que ce soit humiliant pour l’équipe adverse. »
Pour parvenir à cela, chaque coach à ses idées, ses recettes. « Lors d’un match de jeunes, même si la différence de niveau est importante, je reste sur mes principes pendant la majorité du match qui me permet aussi de faire jouer l’ensemble de mon équipe de manière équitable », dévoile Jean-Roch Bonhomme. « Il faut faire attention à ne pas arrêter de travailler, même quand il y a une grande différence de niveau. On peut ajouter de petites règles à l’équipe dominante pour lui rendre la tâche plus difficile », appuie Lola Paulus. « Au centre de formation AWBB, nous jouions par exemple régulièrement « sans aide défensive ». Cela poussait nos jeunes à progresser dans leurs « un contre un » défensifs tout en laissant l’opportunité à l’équipe adverse de limiter la casse », explique Jérôme Jacquemin. « On peut imposer une séquence offensive, par exemple minimum deux pénétrations/passe/extrapasse. En défense, je ne demande pas de jouer les mains dans le dos, ce n’est pas du basket et c’est humiliant, mais je peux interdire les interceptions. »
« Chez les très jeunes, il est encore possible d’adapter ses consignes défensivement et d’imposer certaines règles – passer le milieu de terrain uniquement avec des passes – offensives. Pour certaines catégories, on pourrait même remplacer des matchs par des séances d’entrainement communes avec un partage d’idées entre coachs afin d’être davantage dans la collaboration que dans la compétition », pointe Vincent Aldenhoff qui rappelle que le niveau d’adaptation aux situations et aux exigences sera totalement différent en fonctions des ambitions et du niveau de formation. « A partir de 14 ans, je pense personnellement que c’est plus compliqué voire impossible et illogique d’aller contre ses principes. Si un coach forme son équipe à jouer le full court press, il n’est pas logique de changer sa manière de travailler, peu importe le niveau de l’adversaire. Il n’est pas non plus imaginable de demander à un jeune ado de baisser son niveau en fonction de l’équipe adverse. » Et de nuancer : « A contrario, il n’est pas acceptable non plus d’adapter volontairement son jeu dans le but d’humilier un adversaire ! »
« En jeunes, la formation doit avoir la primauté sur le score et on doit donc pouvoir adapter son coaching en fonction du score tout en restant exigeant et en fixant des objectifs de plus haut niveau », observe Nicolas Franck qui a pu assister à Sprimont à un match des U12 de Didier Delmal. « Après le premier quart-temps, Didier a donné des missions claires à ses jeunes joueurs à chaque quart-temps et après chaque temps-mort – sur l’occupation de l’espace, le mouvement après une passe – tout en réduisant la pression défensive tout terrain, permettant ainsi à l’équipe adverse de travailler et jouer également. Pour moi, c’était une situation win-win. Il n’y avait pas de frustration chez les jeunes dominants car ils étaient coachés et focalisés sur des objectifs plus complexes, et valorisés lorsqu’ils les atteignaient. Pas de frustration non plus pour l’équipe plus faible qui pouvait elle aussi jouer et pratiquer sa passion. »
« Avec l’expérience, on sent quand un match tourne et que l’adversaire ne reviendra pas et il faut pouvoir adapter son coaching à ce moment-là, essayer des trucs pour préparer la suite », conclut Didier Longueville sur un sujet qui a, et fera toujours, débat.
La semaine prochaine, ces différents coachs aborderont ce sujet en fonction des seniors et de la post-formation.